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Entretien avec C215 alias Christian Guemy

C215 Paris Vitry-sur-Seine Street Art Photo: copyright 2012

Parlez-nous un peu de votre parcours artistique.

Je n’ai pas eu d’éducation formelle artistique, mais ma mère biologique faisait de la peinture et m’a laissé son matériel après sa mort à l’âge de 18 ans. Ma grand-mère m’a poussé à réutiliser ses outils et je dessinais chez elle tous les dimanches. C’était quand j’avais 6 ans, et j’avais l’habitude aussi de dessiner beaucoup à l’école pour m’amuser – comme des bandes dessinées pour le journal de l’école et des caricatures d’enfants et de professeurs. Lorsque j’avais quatorze ans, mon oncle m’a chargé d’écrire Midnight Dreams dans le style des « writters » de NYC, ce qui correspondait aussi à la période où je testais pour la première fois la bombe.

J’ai un master en histoire de l’art à la Sorbonne, sur France Marc et le Romantisme, ainsi qu’un autre master du CNRS, au sujet de la théorie religieuse de l’architecture et de la peinture au XVIIe siècle, mais je n’ai jamais été en école d’art, je n’ai jamais enseigné ou étudié les beaux-arts.

C215 Paris Street Art Vitry-sur-Seine Photo: copyright 2012

Où et quand avez-vous mis en place votre première création et comment votre style s’est-il développé ?

C’était un portrait coloré d’Ava, la mère de ma fille, Nina, en 2006, que j’avais déjà réalisé, sans ordinateur.

Vos amis et votre famille sont représentés dans plusieurs de vos œuvres. Comment faîtes-vous pour sélectionner vos sujets ? S’agit-il toujours de personnes que vous connaissez et comment faîtes-vous pour mettre en place votre travail dans la rue ?

C’est un processus très naturel – Je ne crois pas beaucoup à l’ « Art » avec un grand « A », et quand je pense à mon avenir, je veux me souvenir de mes sentiments et des gens que j’ai rencontrés, donc la plupart de mes travaux récents sont basés sur des photos prises lors de mes voyages, des photos de ma vie, qui représentent les personnes que j’ai aimées. Je travaille aussi avec des amis comme Jeremy Gibbs et Jon Cartwright. Je pense que la chose la plus importante dans la vie est l’amitié.

C215 Paris Street Art Vitry-sur-Seine Photo: copyright 2012 Demian Smith

Comment choisissez-vous les murs sur lesquels peindre ?   Préférez-vous certains contextes à d’autres ?

Cela dépend des pochoirs que j’ai préparés. Je préparais mes pochoirs et mes couleurs en fonction des endroits que je visite. J’essaye ensuite de créer de l’interaction et que mon travail se fonde le mieux possible avec l’environnement.

Parlez-nous de certaines des réactions que les gens ont eu à l’égard de votre travail dans la rue.

La plupart d’entre elles sont gentilles, mais cela peut arriver que quelqu’un ait une réaction stupide. Je me souviens d’une très mauvaise impression une fois à Marseille : une famille de personnes d’origine arabe a commencé à malmener l’amie avec qui je peignais parce qu’elle était italienne. Cela arrive, mais rarement. La plupart du temps les gens viennent et regardent ce que je fais et sont surpris, puis le comparent à l’écriture et l’apprécient.

C215 Paris Street Art Vitry-sur-Seine Photo: copyright 2012

Vous vivez à Vitry-sur-Seine dans la banlieue sud-est de Paris, qui est couverte par votre travail et celui de plusieurs autres artistes de rue bien connus y compris Roa, Jimmy C, Nunca et Pixel Pancho. Quelle a été votre rôle dans la transformation de Vitry en une destination « street art » ?

Je ne sais pas, ça a été très naturel aussi, juste en invitant des amis à peindre mon quartier, avec les voisins et les institutions de la ville offrant des murs. Aucun sponsor, aucun projet, aucun foyer – seulement des artistes qui travaillent, détendus dans les rues. C’est les avantages de ne pas être à Paris intra-muros.

C215 Paris Street Art Vitry-sur-Seine Photo: copyright 2012

Ayant beaucoup voyagé et présenté votre art dans des villes à travers le monde entier, où avez-vous eu les meilleures et les pires expériences et pourquoi?

Ça a été génial de peindre partout dans le monde et j’ai surtout eu de bonnes expériences, et seulement quelques négatives. J’aime particulièrement aller peindre dans des endroits qui ne se sont pas encore familiarisés avec le street art.

C215 Paris Street Art Vitry-sur-Seine Photo: copyright 2012 Demian SmithPhoto : C215

Quel est le plus grand défi que vous avez rencontré lors de la mise en place d’une pièce dans les rues ?

Je pense que c’était génial de peindre une copie de la Méduse du Caravage sur la Piazza del Popolo à Rome, lors de l’anniversaire de la Carabinieri : des centaines de flics occupés par une cérémonie. J’ai fait ça, comme j’ai fait beaucoup d’autres stupides peintures risquées au cours des dernières années.

C215 Paris Street Art Vitry-sur-Seine Photo: copyright 2012

Comment est le street art à Paris et dans les arrondissements environnants comparé à celui des autres villes?

Paris a donné naissance au street art, comme New York a donné naissance aux graffitis, et je pense qu’à l’avenir Paris sera impliquée dans ce mouvement de façon considérable, comme aucune autre ville dans le monde.

Où dans le reste du monde souhaiteriez-vous mettre en place des œuvres ?

Je veux aller en Afrique du Sud assez rapidement ainsi que quelques autres destinations exotiques.

C215 Paris Street Art Vitry-sur-Seine Photo: copyright 2012

Parlez-nous de votre dernière exposition « Prophètes » qui se déroule dans l’église du XVIIème siècle Saint-Louis de la Salpêtrière à Paris, et à propose du transfert de votre art sur des caissons lumineux de vitraux ?

Fondamentalement, j’ai transféré mes portraits principaux d’enfants en icônes religieuses, et les ai placés dans une église, en tant que symboles œcuméniques.

Mon art est anthropocentrique et je crois que chaque personne est un cosmos, avec une certaine divinité. Je veux transmettre ça à travers mon art comme un symbole d’une nouvelle iconologie. Au lieu de vieilles icônes religieuses classiques, j’ai choisi les visages des enfants comme un symbole œcuménique de foi et d’espérance.

Le vitrail est un nouveau moyen pour moi et découle, d’une part, de la peinture blanche sur des surfaces sombres, puis, de mon exploration de la couleur. C’est la première fois que je l’ai essayé d’explorer la lumière comme médium ; bien que le pochoir permette à la lumière de passer à travers.

La lumière est aussi liée à la religion, cependant, pour les gens qui auraient une certaine inhibition à visiter une exposition qui se déroule dans une église chrétienne, ils peuvent toujours visiter la boîte à lumière qui sera exposée à l’extérieur de l’église, sur le mur de la mairie du 13e arrondissement de Paris, créant un espace «universel», qui agit d’une manière différente de l’espace religieux de l’église. Peut-être que pour moi, en tant que street artiste, il est encore plus important de voir la réception de cette pièce unique, que le reste des caissons lumineux qui seront à l’intérieur de l’église. Chaque nuit, aux côtés des lumières de la ville, la boîte lumineuse sera allumée.

C215 Paris Street Art Vitry-sur-Seine Photo: copyright 2012

Vous avez dit que l’exposition est « un appel à la tolérance religieuse et l’œcuménisme», et beaucoup de vos œuvres de rue portent le slogan, « faîtes de l’art, pas la guerre ». Quel rôle la politique devrait jouer dans l’art urbain ?

Peindre dans la rue est déjà un acte politique, car il aide à lutter contre la normalisation. Vous pouvez avoir un message plus spécifique, mais pour moi « Faire de l’art » dans les rues est déjà quelque chose.

C215 Paris Street Art Vitry-sur-Seine Photo: copyright 2012

Quel est selon vous l’importance du street art ?

Le street art est aussi important aujourd’hui que le Rock ‘n’ Roll dans les années 50. Ainsi, ce n’est que le début, et cela va changer le monde.

C215 Paris Street Art Vitry-sur-Seine Photo: copyright 2012

Quels sont vos projets pour 2012 ?

Être heureux, voyager autant que possible avec ma fille et profiter de la vie.

C215-Christian-Guemy-credit-photo-agnes-gautierPhoto: copyright Agnes Gautier

Dernière exposition de C215 « Prophètes », organisée par la Galerie Itinerrance, ouvre le 22 Mars 2012 à 18 heures à l’église parisienne du XVIIème siècle Saint-Louis de la Salpêtrière :

Chapelle Saint-Louis, la Pitié-Salpêtrière
47 Boulevard de l’Hôpital, 75013

C215.com

C215 Paris Street Art Photo: copyright 2012